Bienvenue sur le blog de mes stages et ateliers  d'écriture !

Textes écrits par des participants à mes ateliers et à mes stages d'écriture, manifestations littéraires, concours... 

Dernière publication

Laurent E.
08 juin 2025
Textes d'ateliers

Je me souviens de ce moment suspendu. De la porte béante, ouverte sur l'infini. Une vue vertigineuse. Une beauté presque irréelle. Et les battements de mon cœur. Si forts. Battements d'excitation ? Ou peur ancestrale ? Je savais pourquoi j'étais là et fais face à l'inconnu. Pourtant, tout m'échappe....

Derniers commentaires

Invité - Nathalie Le feu
8 juin 2025
Ce texte est incroyable. Les descriptions de cette forêt dévastée vous enveloppent, vous enserrent, ...
Sylvie Reymond Bagur Le feu
16 mai 2025
Ce beau texte a été sélectionné pour faire partie du premier volume des Nouvelles de l'HAR. Vous pou...
Sylvie Reymond Bagur Les sentiers de la gloire Epilogue
23 avril 2025
Pour voir la scène dont le texte est une adaptation : https://www.youtube.com/watch?v=0jvmvJ0TkKo Me...

Derniers articles de mon blog : conseils d'écriture, exemples, bibliographies, mes textes...

13 mai 2025
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Illustration d'après un tableau de Grant Wood Enjeux de l’ironie On qualifie parfois la période entre la fin des années 1970 à 2000 de « moment ironique ». Comme si, après tant de périodes d’expérimentation formelle et d’avant-garde, se développait une sorte de « tonalité » nouvelle : celle qui procède d’une posture ironique - l’idée de ton est en effet l’une des dimensions essentielles de l’ironie littéraire, même si elle n’est pas la seule, notamment dans ce que l’on nomme l’ironie dramatique, nous y reviendrons. Nombres d’œuvres littéraires et artistiques de cette époque se caractérisent par une sorte de légèreté, un mode ludique et distancié : « l’ironie est de retour » a-t-on pu écrire. Un colloque sur la littérature à Aix-en-Provence a ainsi pu s’intituler : « Hégémonie de l’ironie (1980-2008) ».Cette vogue d’ironie et de légèreté ne s’est pas limitée à l’aire culturelle, elle est un phénomène social partagé par différentes cultures avec des dates d’apparition différentes et des formes variables. Cette « ironie généralisée » qui s’étend aux divers ordres de la vie a été souvent qualifiée d’ironie postmoderne, l’ironie caractérisant alors une forme particulière de conscience, d’attitude et de regard sur le monde.En effet, l’homme postmoderne, qui ne serait plus dupe de rien, ni des grands récits, ni d’une quelconque quête de sens, ni des enthousiasmes collectifs et encore moins de ce qui est l’ordre du sacré, ne prendrait plus rien au sérieux, on pourrait même écrire « ne pourrait plus » rien prendre au sérieux. Certains ont ainsi vu dans la posture ironique un des symptômes culturels majeurs de la société postmoderne. Sa critique a donné lieu par exemple à la notion d’Homo Festivus par Philippe Murray. Si nombre d’auteurs du premier quart du XXIe siècle semblent se placer dans cette « posture ironique », il est difficile de ne pas remarquer que nos sociétés semblent aujourd’hui chercher d’autres voies. Ceci se traduit en littérature par un goût accru pour des formes de « sincérité », celle par exemple qui cherche du côté de l’autofiction. Bien loin de la distance et du jeu ironique, l’on observe une tendance marquée pour l’immédiateté du rapport à soi, un idéal de transparence. Le lecteur semble aujourd’hui rechercher bien souvent l’authenticité et la possibilité d’une totale identification au récit lors de sa lecture. La subtilité rhétorique des seconds degrés de l’ironie ne semblerait plus au goût du jour.On ne peut toutefois affirmer que l’ironie serait incompatible avec notre époque, ce serait oublier les succès de librairie d’auteurs des éditions de Minuit que l’on peut placer dans cette veine notamment Jean Echenoz, Eric Chevillard et Gilles Toussaint ou encore la popularité d’un Michel Houellebecq. Reste à s’interroger sur le retour d’une forme d’engagement littéraire qui se traduit notamment par la surabondance de fictions explorant des faits de société. Il existe parmi celles-ci des formes d’ironie plus ou moins douce qui mettent en scène les travers de notre société, l’on peut citer ici, par exemple, Yasmina Reza chez qui l’on retrouve quelque chose d’une raillerie « pédagogique » qui rappelle Voltaire. Le risque étant de moraliser la littérature et de tomber dans la caricature et le poncif, si l’ironie se contente de reproduire une « dénonciation de bon ton », celle que l’on retrouve partout.L’ironie n’est donc pas toujours cette force libératrice qui révèle et fait vaciller. Le lien particulier qu’elle crée avec le lecteur peut être, certes, émancipateur, mais aussi compromission du lecteur, et l’on mesure ici ce que l’on pourrait nommer les « facilités de l’ironie » quand elle fait semblant de se questionner et n’est qu’adhésion à une norme déjà installée. Si l’ironie ne peut se réduire à son effet émancipateur, elle ne se résume pas non plus à une tonalité spécifique fut-elle la légèreté ou la distance. Pensons aux ironistes dits de droite du XIXe comme Léon Bloy, que nous avons déjà abordé. Leurs charges mordantes, véhémentes même, mêlent la satire et l’indignation morale. Aucune légèreté dans leur diatribe démystificatrice, dans leur volonté d’utiliser un verbe puissant, pour dénoncer la société bourgeoise de leur époque.   Ironie dramatique Il me semble nécessaire de compléter cette courte évocation des enjeux de l’ironie en évoquant -brièvement-  l’ironie dramatique, celle qui consiste non plus, ou pas seulement, dans un décalage entre sens premier et second degré, mais entre ce qui est attendu et ce qui se produit (attente du lecteur ou attente du personnage). Nous nous rapprochons ici de ce qui sous-tend des expressions comme « l’ironie du sort » ou « l’ironie de l’histoire ».L’ironie dramatique s’appuie sur un contraste entre ce que savent les personnages et ce que sait le lecteur, ce qui peut être interprété non plus comme un premier/second degré, mais comme différents niveaux d’accès aux informations. Ainsi, l’ironie dramatique élargit son champ d’application en mettant l’accent sur la structure narrative elle-même plutôt que sur la mise en place de sous-entendus.Les événements se déroulent de manière inattendue ou paradoxale, souvent en contradiction avec ce que l’on pouvait attendre ou avec les intentions initiales des acteurs impliqués. Elle met en lumière un décalage entre les attentes et la réalité. La tonalité peut être l’humour, la dérision ou le drame.C’est le procédé littéraire que l’on retrouve dans Roméo et Juliette. Juliette n’est pas morte, le lecteur le sait, mais Roméo ne le sait pas. Le résultat dramatique du suicide de Roméo procède d’un jeu cruel. Le jeu n’est plus un jeu de langage et de vérité, mais un jeu de l’histoire elle-même qui semble se moquer des souffrances des personnages.Impression également d’ironie dramatique à la lecture de Mars, le témoignage de Fritz Zorn sur sa vie. Un récit de vie qui se voudrait littéraire, publiable, mais c’est le drame d’un homme qui ne savait pas aimer, sentir, qui ne savait pas vivre et cette incapacité se retrouve dans la forme même de ce témoignage qui laisse peu de place aux sentiments vécus et aux expériences concrètes. Là est l’ironie et le drame, le texte laissé par Zorn,malgré ses efforts, ne parviendra pas non plus à être vraiment « vivant ».      {loadmoduleid 197} 
10 mai 2025
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Voici le premier chapitre de mon roman Sève d’automne. La scène est construite comme une superposition, une imbrication de temps différents, c'est d'ailleurs l’un des procédés  autour desquels est construit ce roman. Plusieurs temps sont mêlés, dans le présent - celui du retour- se glissent le passé, le futur incertain qui surgissent à la faveur d'éléments concrets ou imaginaires de la scène : la route, mais aussi le paysage, les objets, les visages, les corps, les pensées, les émotions, les mots…« Entre les pieds, une coulée de poussière recouvre quatre années, plus de quatre années ensevelies dans un mélange de pierres et de graviers. Entre les deux travées mal jointes du sol de la charrettedéfile le même chemin, comme à rebours, le chemin du retour. Plus de quatre ans et la même route, une charrette semblable ou presque, le même chaos des roues de bois, les cris du cocher qui hèle la lenteur des chevaux et des pensées qui flottent comme des fantômes. Le nuage de poussière de la terre sèche d’août, l’enthousiasme, le devoir à accomplir, battre les boches, ces salauds de boches ! Et, tout au fond, l’inquiétude du paysan pour la moisson qu’on n’a pas fini de rentrer sans compter celle que l’on ne s’avoue pas, l’inquiétude de l’homme qui ne sait pas ce qui vient…Des pensées si lointaines, des images, de simples images, elles le feraient presque sourire s’il n’y avait pas les autres, plus proches, plus tenaces, trop vives, trop douloureuses pour les porter comme de simples souvenirs. La mort, oui, il a vu la mort, il a tué des hommes et il a vu souffrir. Et e jeune homme montant d’un bond pour rejoindre le front, pressé de se jeter sous la dent de l’Histoire, ce jeune homme qui se serait engagé si on ne l’avait pas appelé, il voudrait lui tendre la main, l’accueillir, mais déjà il s’estompe, ami lointain, celui qui est parti, tout neuf, il y a quatre ans, où est-il maintenant ? Il ne le comprend plus, cet autre, cet étranger qui lui ressemble, plus étranger encore que tous ces boches qu’il a bien fallu surveiller, attaquer, ceux qu’il a vus de près ou simplement aperçus, paysans comme lui, paysans d’ailleurs maintenant quelque part sur d’autres chemins du retour. Le jeune homme naïf s’éloigne et la route défile. Reste la dureté du sol froid de janvier qui craque sous le poids des hommes qui reviennent.La route. Comme à l’aller, ne pas la regarder. Ne pas lever les yeux pour ne pas voir la distance qui s’installe. Rester concentré sur elle, Rachel, sur le souvenir de son visage, le parcourir, encore et encore pour l’imprimer. Garder pour les jours qui s’annoncent, les jours au loin, la courbe de son buste nu, levé, offert et laisser venir toute cette chaleur, toute cette douceur douloureuse de la recherche du plaisir. Ne pas regarder la route pour qu’elle reste la même, pour pouvoir la refaire à l’envers, la remonter, y remonter le temps, s’accrocher le regard au plancher de bois, à la trainée du sable comme tant de fois depuis il s’est accroché aux sillons d’une photo passée, photo de mariage tant de fois dépliée, repliée sur son cœur dans une page qu’il avait arraché au Livre. Le grain des mots tournique encore, malgré le froid, malgré tout ce temps qui défile, « qu’il me baise des baisers de sa bouche ! Car ton amour vaut mieux que le vin, tes parfums ont une odeur suave ; ton nom est un parfum qui se répand… », des mots écrins qu’il avait choisis pour cette unique preuve, une photo creusée jusqu’à la déchirure par l’envie de croire à la magie des objets, au pouvoir des gris-gris de nous emmener avec eux, pour s’échapper un peu, pour défier l’absence. Il l’a perdue depuis.Les hommes sont silencieux. Parfois, entre eux, se glisse un regard inquiet. Peut-être sont-ils les derniers à rentrer ? Les plus vieux sont revenus d’abord, puis les gradés, les « diplômés », les gros propriétaires, ceux qui ont des relations, les mêmes, toujours, ceux qui n’étaient pas en première ligne et ne rentrent pas en charrette. Alors, la victoire ? Peut-être. La justice ce sera pour une autre fois, mais, qui a pu vraiment y croire ? Juste la fin d’une guerre et le droit de se taire. Non, ils ne sont pas les derniers, bien d’autres attendent encore. Çà et là, quelques mots, « Tu vas où toi ? » et puis, chacun retombe dans son silence, habité, de loin en loin, par les couinements de la charrette.Il écoute, il entend ce bonheur silencieux, plutôt, il le devine, retenu, fragile comme le sien, un bonheur indécis, vague et soucieux de tout ce qu’ils voudraient retrouver, de tout ce qui a dû changer. Pas de geste d’impatience, miettes branlantes secouées par la route, recrachées par l’Histoire, ils sont bien trop étonnés d’avoir pu s’échapper du ventre du monstre. Sont-ils heureux ? Ils le devraient pourtant, ils rentrent chez eux, enfin ! Heureux comme ces chevaux harassés qui hument l’odeur de l’écurie, pourtant trop vieux pour ne pas y flairer comme un relent d’équarrissage. Que faire de tout ce temps qui s’est passé sans eux ?Il écoute et il se voit, se reconnaît dans ces mines grises. La guerre a retaillé les traits comme elle a modelé les paysages. À côté de lui, un presque gamin, enfant perdu dans sa redingote bleue dont la manche cousue tente de faire oublier un moignon. Même lui, même les jeunes, ils sont vieux, vieux pour toujours. Sur leur visage de champ de bataille, une sorte de fatigue qu’il connaît bien, celle qui ne s’efface pas dans le sommeil et fait de chaque nuit un douloureux voyage. Pourtant, il voudrait dormir un peu, il le faudrait pour reprendre des forces, un peu de toutes ces forces perdues le long de cette interminable route depuis le centre de l’Allemagne, le début à pied, les trains, les nuits sur un banc glacé dans le brouillard hostile d’un pays vaincu, les gares indifférentes aux noms gutturaux, les bousculades pour monter dans un wagon déjà trop plein, les compagnons de route à qui il n’a pas eu besoin de parler, un haussement d’épaules suffisait, « c’est le bordel » et tout le monde le savait. Et tout le monde s’en fout, surtout là-bas, de l’autre côté. Rien ne leur a été simplifié, des papiers, obligations administratives à n’en plus finir, si peu de prévu pour eux saufdes attentes dans des camps de transits.Et puis, et c’est peut-être cela qui l’empêche de s’endormir, pas le banc de bois dur ni même les cahots de la route, mais une colère qu’il retient depuis qu’il a passé la frontière, une colère qui grossit, se nourrit des regards suspicieux, des visages qui se ferment, des questions. Découvrir qu’il gêne, qu’il ne rentre pas dans les cases de l’enthousiasme et dans l’image du poilu. Qu’importe la faim, les pieds gelés, l’humiliation, il n’est pas un soldat vainqueur, il s’est rendu à l’ennemi, une année de camp a suffi pour effacer ses trois années de front. Qu’est-ce qu’il aurait fallu ? Crever ?Ajouter son nom à la liste pour mériter les remerciements ? Un prisonnier, c’est cela qu’il restera, une souffrance sans gloire, un mot qui s’est collé à lui comme une tare.La route monte maintenant. Partout, sous les troncs noirs dénudés par l’hiver, comme un vieux souvenir d’été, le tapis épais de feuilles de châtaigniers s’efface sous le givre comme les souvenirs s’effacent sous l’envie de se rappeler, souvenirs tant ressassés, usés d’avoir trop servis, usés par l’envie d’espérer, les envies de survivre qui se sont frottées à eux comme à des talismans précieux jusqu’à ne plus en laisser qu’une transparence vague. Alors, il faut lever les yeux, regarder et accepter de voir son pays courir, nu, de chaque côté du chemin. S’il était revenu plus tôt, il aurait pu sentir l’odeur d’humus si particulière de ses sous-bois, une odeur de mousses crépues où, parfois, se dresse un cèpe fanfaron, l’odeur des châtaignes qui germent dans la bouche entrouverte des vieilles bogues moites, l’eau lui vient à la bouche… Mais, partout, des troncs noirs tordent leurs bras maigres vers le ciel, une nudité qui lui en rappelle d’autres. Désolation, c’est le mot qui lui vient. Non, ce n’est pas cela ! Ici les arbres se reposent, savent que le printemps va venir, ce n’est qu’un peu d’humilité face à la force de l’hiver. Et puis, pour poser son regard, il lui reste la roche. Telle une belle dame qui laisse glisser son manteau pour mieux dévoiler ses joyaux, partout, sur les pentes, les murets, les falaises, la forêt d’hiver montre sa parure de schiste. Et, dans ce geste, ilreconnaît sa générosité secrète. Pour celui qui ne la connaît pas, la vallée paraît sombre, encaissée, il faut être né là pour savoir s’éblouir de l’éclat des cristaux de quartz et de mica nichés dans la pierre noire, bien la connaître pour être fier et se sentir content de la nuance rousse qu’elle a su ajouter au gris sombre du schiste. Si l’on sait voir, alors, comme ce soir, tout brille au fond de sa petite vallée. Ici, la richesse, il faut l’apprivoiser, savoir tirer son bonheur de la vigueur d’un ruisseau, jouir de la rondeur fripée d’un tronc de châtaignier. Son pays, il a fallu qu’il parte loin pour le désirer, c’est là-bas seulement qu’il a compris combien il était riche, de cette richesse secrète des petits coins de montagne.C’était pendant les longues nuits de veille dans les tranchées avec le soldat René. René, disparu, volatilisé quelques mois plus tard. C’est avec cet homme dont il ne reste peut-être rien d’identifiable qu’il a découvert la poésie des Cévennes. René lui parlait de sa région, les Basses Alpes avec des mots doux et beaux. En vérité, il ne parlait pas, il disait des mots et ça chantait malgré le bruit de la mitraille, ça recouvrait presque la peur. Alors, lui aussi s’est mis à parler et il a trouvé des mots, des mots inconnus qui sont sortis de son amour pour sa vallée, pour seschâtaigniers et les crêtes bleutées et il la ramène avec lui, sur la charrette, cette possibilité nouvelle de dire des mots et d’en adoucir le monde, en effeuiller les détails avec gourmandise comme un amant sa marguerite. Des mots pour découvrir ce qu’on a toujours vu, car l’on voit tellement mieux quand on cherche ses mots pour raconter à un ami qui vous écoute. René, René… Il redira souventce nom, avec toute la vibration de mots et d’images qui entoure son souvenir. Se souvenir ? Mais pas de tout, sinon il faudrait réussir à coller ensemble l’image de cet homme, une image grande comme l’univers qu’il avait en lui, souriante, puissante comme cette imagination qui coulait comme un flot et vous entraînait sur les pentes de ses collines et puis le rien, la disparition violente, René déchiqueté, sanglant, enseveli. Recoller cela ensemble ? Il ne faut pas essayer et tout se fond pourtant dans la poussière du chemin et du temps, tout devient flou,l’image de René, son sourire malicieux, ses yeux, comment étaient ses yeux déjà ? La charrette saute sur une ornière, il se cale au fond du banc, s’accroche au montant de bois. René et son sourire se sont envolés comme des anges. Des anges… Le mot est ridicule ? Et se tirer dessus pour rien, et puis, un jour s’arrêter, pour rien non plus, ce n’est pas ridicule ? Il lui parlera de René, c’est sûr, et des livres que René lui a fait connaître ; il les commandera et les lira pour elle qui ne sait pas bien lire. Il aime cette idée, faire revivre René, en lui, entre eux. Mais, tout seul, saura-t-il retrouver les mots sans la présence de cet homme poète ? Oui, l’élan est là, il le sent, la poésie c’est un peu comme l’amour, ça vient de l’inconnu et ça vous fait comprendre et aimer le monde.Alors, il n’a plus peur, son pays, il faut le regarder en face, l’aimer tel quel, pauvre, humble, rétréci sous le gel et mettre tout l’amour possible dans la caresse de son regard. Rochers, souches mortes, pentes raides, rien pour se cacher, un pays comme un homme seul sous la mitraille. L’amour de son pays en prélude de l’autre et quel beau mot prélude ! Il faudrait réussir à faire de ces années un formidable prélude, profiter de chacun de ces instants comme on jouit des sinueux préludes de l’amour. Tout aimer, les virages, les pointes dans le dos, le bois du banc qui s’insinue dans les fesses trop maigres, aimer la mauvaise soupe, la paillasse pourrie et même les tranchées ! Tout ce qui a fait passer ce temps, tout ce qui l’a rapproché d’elle. Et puis, ce temps n’a pas été perdu, il ramène des idées pour mieux vivre et pour s’occuper d’elle. Il rapporte avec lui des idées d’ingénieurs, de gens de la ville, de ceux qui sont instruits et qui ont voyagé. C’est un peu prétentieux, mais il se sentait bien avec eux. Où sont-ils maintenant ? Sur quelle route ? Dans quelle tombe ? Ses yeux se ferment. S’absenter, un instant, enfin. Penser au prélude… Et puis, une explosion, une remontée d’amertume, un son gras qu’il étouffe très vite d’un bras en travers de la bouche, il n’a pas ramené que des poèmes, mais aussi des poumons avec des cicatrices, un souffle court depuis ce moment où, dans la tranchée, l’air s’est mis à vous brûler de l’intérieur, l’impression d’étouffer et le besoin d’air qui vous oblige à avaler le gaz qui éclate dans la poitrine comme une giclée d’acide. Une douleur mal soignée dans un camp ennemi et qui le brûle encore, revient à chaque quinte. Il faudra continuer à se battre, il le sait, réprimer chaque fois que ça monte, se rue dans sa gorge, éructe,révèle le corps abimé et l’épuise. Puis, cela passe.Sur les bancs de bois, les hommes sont calmes et leur silence se bringuebale par les petits chemins des Cévennes. Les forêts n’ont guère changé, un peu ensauvagées, mais pas tant que ça. Des roncesse sont installées dans le sous-bois et des genêts y caracolent, premiers profiteurs de l’abandon. Çà et là, des pans de terrasses se sont éboulés, mais tout cela va changer, les hommes sont de retour. Enfin, ceux qui sont vivants. Ce qu’il en reste. Louis n’a pas besoin de les regarder pour savoir le délabrement des corps vidés de leur substance, il voit ses mains, deux brassées de bois secs abandonnées sur ses genoux, bouts d’os noueux, fantômes de mains posées sur des fantômes de cuisses, formes absentes qui hantent un pantalon qui gondole, le cadeau offert au camp de Nîmes «Au titre d’ancien combattant de la patrie », après moult consultations, hésitations et « malgré son statut de prisonnier libéré », de demi-traitre, semblait dire l’air dédaigneux de ces planqués derrière leur comptoir. Il a suffi de quelques heures pour que la maigre teinture du vieil habit militaire laisse affleurer une vilaine couleur bleue, défraîchie, tâchée, de sang peut-être. Il a beau savoir que le tissu manque, tout de même, ça fait mal cette reconnaissance au rabais. Plutôt rien, il aurait préféré rien plutôt que ce don humiliant. On veut bien vous offrir, mais il ne faut pas quecela coûte trop cher, une reconnaissance qui calcule ! Est-ce qu’ils ont calculé eux, les soldats ? Sa jambe gauche tremble, un tremblement incontrôlable qui vient quand il s’énerve comme si ellevoulait intervenir, souligner une urgence, un désir inexprimé, l’inexprimable.La route monte plus fort maintenant, la charrette peine, les efforts des chevaux pèsent sur ses épaules, écrasent son cerveau. S’il pouvait ne plus penser, s’abandonner aux hoquets de la route, se contenter d’être là, vivant, rentrer, recommencer la vie d’avant. Et pourquoi n’a-t-elle pas répondu à ses lettres ? Elle ne sait pas très bien écrire, mais… Et puis il y a le noir, le dur et tous les autres, ceux qu’il a croisés, les vivants et les morts. Comment se reposer alors qu’il les sent, là, tous, sur la charrette avec lui, innombrables visages, des cris, des paroles et des morceaux de corps ? Se laisser bercer par les cahots de la route, les chaos de la vie, sa route sinueuse, les trous, les bosses, la guerre, le monde qui s’est ouvert, se délester un peu de tout ce qui se bouscule, des horreurs et des rencontres, se reposer sur sa seule certitude, le goût fort de la vie dans sa gorge à vif qui espère tant de ce retour. Il gagne son refuge et quelque chose le rassure, il sait ce qu’il ne veut plus faire, ce qu’il ne fera plus. Plus de violence. Plus de haine. Cela se dit en un seul mot, la paix, il l’a gagnée, il veut la paix, il y a droit, non ?Et puis, sous la poussière des guerres et des voyages, enfoui, caché sous leur nuage, il sait qu’il reste le chemin, toujours le même, le chemin qui le ramène chez lui. Il s’assoupit.»        {loadmoduleid 197} 
10 mai 2025
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Raconter peut se faire chronologiquement, en respectant l’ordre des évènements racontés ou en jouant avec cet ordre, en inversant par des flashbacks (analepses) ou inversement, prolepses (anticipations). L’on peut placer chaque histoire, chaque moment, dans des chapitres différents, qu’il est possible de relier en donnant l’impression d’un lien temporel comme dans le Maître et Marguerite de Mikhail Boulgakov. Mais l’on peut vouloir faire se rencontrer, se tisser deux temps différents à l’intérieur non plus d’un même livre, mais d’un même texte. L’écriture qui ne peut se faire que de façon linéaire, c'est-à-dire un mot à la suite de l’autre, doit trouver des astuces pour y parvenir. Un petit détour par le cinéma et son vocabulaire peut se révéler intéressant pour comprendre les procédés qui sont en jeu dans cette imbrication des temps.   Une conception cinématographique de la narration ? Certes, la littérature n’a pas attendu la naissance du cinéma pour jouer avec la temporalité, cependant, le développement du cinéma, de ses techniques et de son vocabulaire a mis des mots sur ces questions et il a inventé des solutions nouvelles. La gestion de l’espace et du temps de la narration a été au cœur de l’avènement du cinéma en tant qu’art. On peut dire que le « cinématogaphe » est devenu le cinéma quand la caméra n’a plus été utilisée comme un chef d’orchestre placé d’un point de vue unique, mais comme un élément en mouvement et surtout par le développement de l’art du montage.Soudain, le cinéma n’était plus seulement un moyen de reproduction du réel, mais un moyen d’expression.Grâce au montage, le cinéma a dépassé le naturalisme, la copie de la réalité pour devenir création. Le montage, c’est l’incursion du point de vue non plus seulement de la caméra, mais du cinéaste qui, grâce à ses manipulations, va entrainer le lecteur dans une forme particulière d’affectivité ou d’esthétique. Il s’agit non plus seulement de filmer, de faire des images, mais, au moyen du changement de l’ordre des images et des péripéties, de composer, de mettre en scène l’émotion.Le montage fait du cinéma un autre art que la représentation théâtrale. Il semblerait que ce soit le montage, plus encore que les mouvements de la caméra, qui a libéré le cinéma et ses potentialités artistiques.Les montages alternés de plusieurs scènes, les montages en parallèles de plusieurs histoires se multiplient dès les années 1901 et 1905. On assiste même dans les années 1920 - 1930 à l’émergence d’une théorie du montage-roi comme une sorte de « ciné langue » : le mixage.   Application à l’écriture L’on peut, pour trouver des solutions à l’écriture de deux moments ou deux histoires imbriquées, s’imaginer être un monteur qui découpe puis combine, en gardant à l’esprit les notions notamment de changement de plan, de fondu enchainé et de son contraste avec la coupe qui peut être plus ou moins brutale. On ne peut pas fondre deux mots, deux phrases ensemble, mais on peut créer, une impression de fondu à partir de procédés multiples et toujours à inventer. Passé et présent se tissent ensemble comme dans un film où les images de l’un et de l’autre alterneraient par coupures ou fondus enchainés. Comment se fait cette incursion ? Glissement, rebond sur une chose ou sur un mot, superposition, associations d’idées… les moyens et les formes que peuvent prendre ce "montage" sont nombreux. Le fondu  peut, par exemple, se faire à partir des sensations (odeur, vision  d’un support matériel inclu dans la scène tels que objet, élément du paysage, décor, visage, élément météorologique…. Le passé s’invite dans le présent, les temps s’emmêlent, peuvent se rejoindre, sans aller forcément jusqu'au fantastique ou l’hallucination. Les temps passés s'inscrivent dans l’espace du temps en train de se dérouler telle cette étoile que nous voyons dans le ciel alors qu’elle est « éteinte » depuis longtemps.Dans ce type de construction, la scène racontée se nourrit des incursions du passé sans que l’on en perde le fil, elle reste la trame du texte enrichie d'éléments biographiques, de traits de la personnalité, de la sensibilité du personnage...    Lire un exemple dans mon roman Sève d'automne Découvrr d'autres exemples sur le blog        {loadmoduleid 197} 
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Sur les bords du lac Baïkal

Une isba. Une petite isba. Enfin, une cabane. Une cabane au bord du lac Baïkal, en lisière d'une forêt de cèdres, face au lac gelé. L'immensité. Le froid. Le silence. L'oncle Kusma accueille ses hôtes près du camion.

KusmaBonjour les enfants !

TatianaBonjour oncle Kusma! Je te présente Alexeï, mon compagnon.

KBonjour Alexeï. Enchanté.

Alexeï Bonjour oncle Kusma. Enchanté.

KVous avez fait bon voyage ?

TOui tonton, ça s'est très bien passé. Depuis Irkoutsk, 12 heures de route dans le vieux camion de Mikhaïl… un peu long… mais bien, ça s'est très bien passé.

K Allez, entrez vite, sinon vous allez prendre froid.

Tous les trois entrent dans la cabane. Tatiana, suivie d'Alexeï, puis d'oncle Kusma. Le Poêle. La hache, le fusil et le poignard accrochés au mur. La pendule. Le poste de radio.L'éphéméride marquant le 31 décembre.

K Pas trop de blizzard?

TSi, beaucoup de blizzard. Parfois, Mika avait un peu de mal à trouver son chemin.

K La glace n'a pas cédé ? Rire

T Ben non, tonton ! Nous sommes là ! Vivants ! Grands rires

KAllez… Installez-vous, qu'on discute un peu…

Le poêle chauffe à fond. Il est presque rouge. Il fait chaud. Très chaud. L'oncle Kusma, Tatiana et Alexeï s'asseyent sur les tabourets en bois à trois pieds autour de la table carrée. Il reste une place pour le 4ième joueur si on faisait une partie de cartes. A côté de la fenêtre, le buffet en formica jaune. Au sol, le lino bleu ciel. La lumière est blafarde. Il y a comme une odeur de vieux. Une odeur âcre, rance. La table est recouverte d'une vieille toile cirée fendillée de partout avec des motifs de chasse.

KEt si on fêtait votre arrivée, hein ?

Kusma saisit une bouteille sur le buffet et sert un verre de vodka à tous les trois.

KusmaAllez, trinquons à nos retrouvailles ! Znazdrovié ! Bonne santé à vous, les enfants !

Kusma, Tatiana et AlexeïZnazdrovié ! Znazdrovié ! Znazdrovié !

KAlors, dites-moi, les enfants, que devenez-vous ? Il paraît que vous êtes en France ?

TOui, tonton, nous sommes à Toulouse.

K Et alors, dis-moi, Tanya, pourquoi Toulouse ? Comment avez-vous atterri à Toulouse ?

TC'est Alexeï qui a dû partir pour de Moscou pour Toulouse. Tonton, je vais te faire saliver, Toulouse… c'est la capitale du foie gras !

K Hummm ! Il me tarde que tu me le fasses goûter, ton foie gras !... Mais, Tanya, tu me dis qu'Alexeï a DÛ partir de Moscou. Kusma accentue et laisse traîner le û de dû. On l'a obligé à le faire ?

Tanya et Alexeï sont gênés.

ANon, oncle Kusma, ce n'est pas exactement ça.

T Non, tonton, ce n'est pas exactement ça, nous aurions pu rester à Moscou, mais c'était un peu compliqué.

K Ah bon, un peu compliqué ?

Tanya et Alexeï se glissent un regard inquiet en se tenant la main.

ATanya, ce n'était pas compliqué, simplement, ce n'aurait peut-être pas été très simple.

TAlexeï, je trouve que tu compliques un peu les choses.

KSi je comprends bien, vous n'aviez peut-être pas vraiment le choix.

Alexeï se tourne et se retourne sur son tabouret. Tanya et Alexeï sont de plus en plus mal à l'aise.

AC'est un peu ça, oncle Kusma. Mais, pas vraiment.

TNon, pas vraiment, mais rester à Moscou, ça aurait peut-être…ça aurait peut-être pu être un peu risqué…

KRisqué ?

Alexeï se râcle la gorge. Il a une légère crispation à l'épaule.

ATanya, ma chérie, pourquoi tu dramatises ?...

TNon Alexeï, je ne dramatise pas.

L'odeur âcre s'affirme de plus en plus dans la cabane.

KAu fait… avez-vous des enfants ?...

Tanya et Alexeï sont soulagés, l'oncle Kusma ne connaîtra pas la raison de leur départ de Moscou. Kusma leur ressert un verre de vodka.

T + A + KZnazdrovié ! Znazdrovié ! Znazdrovié !

TNon, tonton… nous n'avons pas d'enfants… mais… pour ce qui est des enfants… toi, tonton… oui… heu… oui… heu…… heu………

Alexeï a un regard d'étonnement vers Tanya.

APourquoi dis-tu cela, ma chérie ?... je ne te comprends pas…

Tanya se replie sur son tabouret comme si elle avait peur de s'exprimer. Elle parle d'une voix très faible.

TQuand j'étais petite, je venais en vacances chez toi, tonton…

Kusma ne tient pas en place sur son tabouret.

K Et alors, tu n'étais pas contente de venir en vacances chez ton oncle Kusma?

Tanya hésite. Elle ne sait pas trop que dire.

TTonton, tu étais très gentil avec moi… tu étais très doux… parfois tu me…

Kusma coupe Tanya. Il a un spasme de bras. Son avant-bras trésaille.

KEt alors… ce n'est pas bien d'être gentil avec sa nièce ?

Tanya toujours hésitante, timide :Parfois… Parfois, tu me…

Kusma coupe encore Tanya. Son spasme augmente. Tanya bafouille.

TTonton… Tonton, tu me……

Kusma coupe encore une fois Tanya. Il toussote. Il essaie de faire diversion.

KAlexeï, tu fais quoi à Toulouse ?

Tanya prend de l'assurance.

TJe me souviens de tout… Comme si c'était hier… Tu me…

Kusma coupe à nouveau Tanya. Il blêmit de plus en plus.

AJe suis ingénieur. Je suis dans l'aérospatiale…

KAlors tu vas venir en stage à Baïkonour ?... rire crispé

Tanya veut garder la main. Elle s'affirme.

T… Parfois… tu allais très loin… tu me…

Kusma la coupe encore. Son spasme augmente de plus en plus. Le tic-tac de la pendule s'emballe quelque peu.

KEt si nous nous faisions un thé, maintenant ? Qu'en dites-vous les enfants ?

AOui, oncle Kusma… ça nous fera du bien… Ça nous détendra un peu……

Tanya est très contrariée. Elle est dépitée. Elle est blême. Elle jette un regard de haine vers son oncle. Elle jette un regard cinglant vers Alexeï. La lumière est de plus en plus blafarde.

Kusma est soulagé. Il lisse sa longue barbe blanche. Il a une tignasse hirsute et crasseuse.

KJe prépare le thé ! Et toi Tanya, tu es toujours danseuse ?

Tanya, surprise, bafouille.

TJe… Je… Oui… Je…

AOui, elle est toujours danseuse.

Tanya mécontente, se reprend.

T Mais enfin, chéri, je peux répondre toute seule.

K Pour toi, ce doit être moins bien qu'au Bolchoï ?

Tanya est une très belle jeune femme longiligne aux cheveux courts. Ses yeux gris-vert illuminent la cabane.

TOui, bien évidemment !

AOui, c'est moins bien qu'au Bolchoï, mais c'est quand même le Ballet du Capitole !

Tanya est irritée. Elle jette un regard noir à Alexeï.

TJ'ai dû faire un sacrifice… un immense sacrifice...

K Ah oui, à ce point, un sacrifice !?...

T Oui un sacrifice… J'ai dû faire un immense sacrifice … pour le suivre…

Alexeï contrarié.

A… « Pour LE suivre ! » … Je m'appelle Alexeï !

K… Je vois que ce n'est pas simple entre vous…

T Non, ce n'est pas simple… ce n'est pas agréable pour moi…

APas agréable pour toi ?

Tanya est courroucée. Elle se tourne vers Alexeï, la main en l'air comme pour le gifler.

TJe ne veux plus entendre parler de notre départ de Moscou ! Tu m'entends ! Ça suffit !

Kusma, la mine réjouie, arrive avec la théière.

KLe thé RUUUUSSSSE arrrrrrrrive…et voilà pour grignoter avec le thé… des skazkas… des mouraveïniks … Servez-vous, les enfants… servez-vous…

A Hummm ! Qu'est-ce qu'ils sont bons ! Dites-moi, oncle Kusma, vous êtes là depuis longtemps ?

KJe suis là depuis 15 ans.

A15 ans !?

KOui, ici, je ne suis pas dérangé… Je suis bien ici, seul… Seul… je suis bien ici…

Alexeï pointe le doigt vers la fenêtre.

AIl fait combien dehors ?

Kusma saisit le thermomètre sur le rebord de la fenêtre.

K-35°. Demain, la météo annonce un réchauffement à – 28°.

Rires de Tanya et Alexeï.

KEt si on sortait quelques instants avant que la nuit ne tombe ?

T Si tu veux, tonton.

AVolontiers, oncle Kusma.

Ils mettent leurs canadiennes, leurs grosses moufles et rabattent leurs capuches au raz des yeux.

AQue c'est triste ! Que c'est lugubre ! Que c'est sinistre ! Vous avez des voisins ?

Tanya est remontée.

TToi alors ! arrête tes provocations ! S'il te plaît, arrête tes provocations !... Je n'en reviens pas… C'est merveilleux… Le silence… Le froid… L'immensité… La glace qui craque… La solitude… Les taïgas… Un ciel de cristal…Et puis ce trou dans la glace… C'est quoi ce trou, tonton ?

K Si vous me posez des questions tous les deux en même temps, je ne vais pas y arriver… Alors, mon voisin le plus proche ?... C'est Ivan, Ivanovitch… C'est le garde-chasse… Il est à plus de 30 km…

En se tournant discrètement, Alexeï pouffe de rire.

AJe ne sais pas, moi, si je vivais ici, enfin… je trouve que c'est un endroit pour se suicider… rire étouffé d'Alexeï.

Tanya est outrée. Kusma est remonté. Le blizzard est glacial.

KToi, tu as dû lire Cioran, Sur les cimes du désespoirIci, c'est calme. Ici, c'est beau. Alexeï, je peux te dire que le luxe de l'ermite, c'est la beauté…et ceux qui s'agitent dans leurs villes, ils ne savent pas ce que c'est que le beau, ils ne savent pas déguster le beau.

Tanya a un regard presque tendre vers son oncle.

TTu as raison tonton. J'en connais un qui te provoque… Mais, il ne sait pas apprécier les belles choses. Il ne sait pas apprécier le beau. Au fait, tonton, je t'ai posé une question : ce trou dans la glace, c'est quoi ?

Kusma a un regard complice vers Tanya.

KMa petite Tanya, ce trou dans la glace, c'est pour mon bain du 1ier janvier. Le bain, c'est le contraste entre le feu et la glace. C'est excellent pour la santé. Ma chérie, si tu veux me suivre demain matin, je serai heureux que nous prenions notre bain ensemble, tous les deux !...

Alexeï remonté et peut-être un peu jaloux :Mais, vous êtes fou ! Vous baigner dans l'eau glacée ! Vous baigner à votre âge ! C'est de la pure folie ! Vous êtes un vieux… Et puis n'essayez pas d'entraîner votre nièce, sinon

Tanya saisit Alexeï et le secoue violemment.

T S'il te plaît, arrête d'insulter mon oncle. « C'est de la pure folie… Vous êtes fou… Vous êtes un vieux… ! » Mais tu te prends pour qui ? Arrête, je te prie!

KTanya, laisse-le tranquille… Tanya, rentrons, nous allons prendre froid.

Tanya glisse son bras sous le bras de son oncle.

TOui, tonton, tu as raison. Allons-y. Rentrons.

Tanya et oncle Kusma reviennent à la cabane. Le soleil se couche au-dessus des taïgas. Le ciel est d'encre. Le blizzard souffle. Le poêle ronronne. Après quelques instants, Alexeï entre. Tous les trois s'asseyent autour de la table dans le silence. Un long silence. Les bûches craquent dans le poêle. Invariablement, la pendule scande les secondes.

AEt si on se mangeait une soupe pour nous réchauffer?

T Oui, si tu veux.

Alexeï met la soupe sur le poêle.Kusma prend la bouteille de vodka sur le buffet. Tanya lui saisit le bras et l'empêche de se servir.

TNon tonton! Non! Ça suffit Tonton !

Kusma reste hébété.

TElle est bientôt chaude ?

Alexeï se lève pour remuer la soupe.

AOui, bientôt.

TOn va bientôt pouvoir la manger ?

AOui, bientôt.

TIl ne faudrait pas qu'elle soit trop chaude.

Alexeï remue la soupe.

Aça y est, elle est chaude. On va pouvoir la manger.

Alexeï met les bols sur la table, et il sert la soupe.

AElle est bien chaude.

TOui, elle est bonne.

Kusma est attendri devant Tanya et Alexeï mangeant leur soupe.

Kça va vous faire du bien.

ça va vous faire du bien…ça va vous faire du bien… »… sans doute que ça va nous faire du bien… mais avec toutes vos histoires…

Tanya est remontée et déterminée.

T« Vos histoires… Vos histoires… »C'est MON histoire ! C'est MON histoire avec mon oncle !

KQuelle histoire ?

A« Quelle histoire !?... Quelle histoire !?... » C'est votre histoire avec Tanya… Quand elle venait chez vous… Quand elle était petite... Elle en a parlé tout à l'heure…

Kusma est agacé.

KTanya, ça nous regarde nous… Alexeï, tu n'as pas à te mêler de nos affaires.

Tanya sûre d'elle.

Tc'est MOI que ça regarde ! Oui… MOI… c'est MOI que ça regarde !

Le spasme de Kusma réapparaît. La pendule s'emballe.

KQuoi encore ?

Tanya de plus en plus sûre d'elle.

TLa première fois… C'était le soir de mon premier gala de danse… J'avais neuf ans…

Kusma, d'un rire jaune.

KAh Ah Ah ! Tu te souviens de ça au bout de 20 ans !

TOui, je m'en souviens très bien… C'était dans ta chambre… Après le repas…

Kusma est de plus en plus tendu. Son spasme revient très fort. La pendule s'emballe de plus en plus.

KPourquoi tu ressasses encore ça ?

TJe ne ressasse pas… Tu étais allongé sur ton lit… Tu m'as prise dans tes bras…

Kusma la coupe, rouge de colère.

KArrête ! Arrête ! Arrête !

Alexeï serre Tanya contre lui. Tanya jette un regard assassin à son oncle.

TTu m'as prise dans tes bras… Tu m'as caressée… Tu m'as caressée mon…

Kusma la coupe, en rage, tapant très fort sur la table.

KArrête ! Arrête ! Arrête ! Non ! Ne dis pas ça ! Non, ce n'est pas vrai ! Tu mens ! Je vais te….

Alexeï se lève brusquement. Ses grands yeux gris deviennent noirs. Il lève son tabouret au-dessus de la tête de Kusma. Une rixe éclate entre les deux hommes. Alexeï est un grand jeune homme plein de vigueur. Kusma est un vieil ours russe alcoolique et ventru.

ACe que vous avez fait à Tanya est indigne. C'est monstrueux. Je vais vous le faire payer, vieille crapule !

KNon! Non! Non ! Ne me frappe pas !

Alexeï est très menaçant.

AVous allez voir, vieux pervers !… Je vais vous fracasser le crâne !...

Tanya saisit le bras d'Alexeï et le retient de frapper le vieux Kusma. Tanya reprend son souffle, et d'une voix presque calme supplie Alexeï.

TArrête, Alexeï… Arrête… Je t'en supplieArrête… Ce n'est qu'un vieil homme… Alexeï, ne le tue pas… Arrête… Je t'en supplieArrête…

Kusma est anéanti. Il a le regard dans le vague. Il dit à Tanya d'une voix hésitante, implorante :

KTanya, pardonne-moi… Je t'en supplie, ma petite Tanya… Pardonne-moi…

Ils se retrouvent tous les trois autour de la table dans le silence. Un long silence. La lumière est de plus en plus blafarde. La pendule reprend son tic-tac assourdissant.

Tanya sur un ton monocorde :Je ne pouvais plus vivre comme ça… Ç'était impossible… Je ne pouvais plus vivre avec ça au fond de mon cœur… Il fallait que je parle… Il fallait que je le dise… Maintenant, je suis soulagée… Tonton, je ne te parlerai plus jamais de ça… Tonton… je… Tonton… je te……. Tonton……… je te pardonne…………

Tanya s'effondre sur la table, en pleurs.

Alexeï comme résigné :… Ce n'est pas vrai… Tout ça pour ça…

Ils restent tous les trois un long moment dans le silence. Tanya et Alexeï se serrent l'un contre l'autre. Et toujours la pendule qui égrène ses secondes.

ARemettons-nous… il nous faut vivre, maintenant… revivre…

KMerci de m'avoir pardonné, ma petite Tanya… Tu sais… moi aussi… ça me tiraillait le cœur… Cette culpabilité… Maintenant, sortons-en !

Kusma se lève. Il saisit la bouteille sur le buffet. Il leur sert à chacun une rasade de vodka.

KZnazdrovié ! Que Dieu nous bénisse!

Kusma s'enfile son verre cul sec et s'en ressert un autre. Il en boit trois de rang. Tanya et Alexeï dégustent leur Kedrovaïa. Ils la savourent.

KEt si on mangeait maintenant ? Après tout ça, j'ai une faim de loup !

Tanya est soulagée. Elle a parlé. Enfin. Elle se remet petit à petit.

TOui tonton… si tu veux… nous pouvons manger…

AOui mangeons !

KHummm ! Goûtons le foie gras ! Et puis… j'ai préparé des zakouskis ! Régalons-nous ! Que Dieu nous bénisse!

Kusma dispose le foie gras, le caviar, les harengs fumés et les malossols sur la table. Il sert un autre verre de Kedrovaïa à Tanya et Alexeï. Il s'en ressert un, plein à ras bord, et le descend cul sec. Alexeï vide son verre cul sec. Oncle Kusma et Alexeï s'en reprennent un autre.

TFais attention chéri. Toi, tu n'as pas l'habitude.

AT'inquiète mon amour ! Faisons la fête !

KLes enfants, maintenant, je vais vous dire une chose que je n'ai jamais dite à personne.

Kusma est à moitié ivre. Il bégaye. Il cherche ses mots. Tanya et Alexeï sont blottis l'un contre l'autre.

TOui tonton.

KC'était il y a quinze ans, juste avant ma retraite. Allez les enfants… reprenez du caviar...

Kusma leur ressert du caviar et une Kedrovaïa. Il s'en ressert une nième et la descend cul sec.

TTonton… va doucement…

KT'inquiète ma petite Tanya, la vodka, il n'y a rien de tel pour être en bonne santé. Donc, je devais remplir une mission délicate, très délicate.Je vais vous dire, ça n'a pas été facile pour moi. Il fallait que je calcule tout, que je construise tout, incognito, sans que rien ne filtre, donc utiliser des gars sûrs, des gars solides, des gars fiables, des gars qui en ont dans le froc, des mâles, des vrais, pas des petits pédés, pas des petites tapettes, pas des petites tarlouses, pas des petites tafioles… Des hommes !... Il me fallait des hommes !...

TTonton, pourquoi dis-tu toutes ces grossièretés ?

Alexeï hoquette.

KMa chérie, ce ne sont pas des grossièretés. C'est la vérité. Donc, parmi mes gars, je cherche un gars sûr, un gars solide, un gars fiable à 100%.Parce qu'il faut que je vous dise… j'étais en lien direct avec le Kremlin… j'étais en lien direct avec le président Poutine… Poutine, le Pétersbourgeois… Poutine, l'honneur de la Russie… Poutine, le sauveur de la patrie… Poutine, le reconstructeur de la grande Russie…

Alexeï commence à devenir blanc. Il est très nerveux. Tanya se blottit contre lui. Kusma se sert à nouveau une Kedrovaïa qu'il descend cul sec. Le poêle est rouge. Kusma est rouge écarlate.

TOui tonton.

Alexeï hoquette de plus en plus.

KPour faire le boulot, j'ai choisi Sergueï, Sergueïevitch. Dans le service, on l'appelle S. J'ai une totale confiance en lui.

TOui tonton.

Kusma s'enfile son verre de vodka et s'en ressert un autre. Il est chaud bouillant.

TNon tonton! Non tonton! Arrête ! ça suffit ! Arrête !Tanya ouvre la porte et jette le verre de vodka dehors. Dehors, le blizzard souffle très fort. Le blizzard est glacial.

KEnsuite S a dû choisir un gars en dehors de la boîte. Avec mon accord, il a décidé de prendre Miroslav, Miroslavevitch. On l'appellera M. C'est un chef de réseau dans le trafic de drogue. C'est un homme sûr, fiable. Il vit dans le quartier de Kitaï Gorod, dans la première couronne autour du centre historique de Moscou, un quartier assez résidentiel, pas un quartier chic, un quartier résidentiel. C'est là qu'elle crèche… cette salope… Je veux dire la… Ça va les enfants ? Vous me suivez ?

Alexeï hoquette fortement. Il est très nerveux. Sa crispation à l'épaule ressurgit. Il blêmit de plus en plus. Tanya est blottie contre lui.

TOui tonton, on te suit.

KEt puis, arrive le plus difficile, le plus compliqué, le plus risqué. Il faut recruter la petite frappe, le « militant » de base dans la drogue. Lui, c'est Timur. Lui, on le nommera T, comme Tueur. C'est lui qui aura pour mission de la trucider. On le paiera 5 000 roubles. M touchera 10 000 roubles.S touchera 30 000 roubles. Et moi, je toucherai 50 000 roubles… Si tout se passe bien… Si on va au bout…

Alexeï pâlit de seconde en seconde. Il n'en peut plus. Tanya se sert très fort contre lui.

KJe vais vous dire… Enfin, je ne sais pas si je dois vous le dire… Enfin, sans doute, que vous avez déjà deviné…

TDis-nous tonton.

KBon, ben voilà, j'étais… J'étais…. J'étais le chef du KGB……

Alexeï blêmit de rage. Il se lève, hoquetant, titubant. Tanya tente de le calmer. Alexeï saisit Kusma au col. Tanya tente de le retenir. Alexeï le soulève de son tabouret. Kusma s'affale, complètement ivre.

AAlors, comme ça, tu étais le chef du KGB ! Toi, le violeur d'enfant… en plus tu étais le chef du KGB ! Sale enflure ! Sale crapule ! Sale ordure ! Alors, maintenant, tu vas me dire qui tu as tué ! C'était une femme. Tu as dit : « cette salope ». Alors dis-moi, quelle est cette femme que tu as tuée ? Dis-moi ! Dis-le-moi !

KMais, moi, je n'ai tué personne… Moi…

Alexeï, fou de rage :Comment ça, tu n'as tué personne ?

KC'est Timur qui l'a tuée… Ce n'est pas moi…

Alexeï reprend le vieux Kusma au col et le relève au bout de son poing. Titubant, il le secoue violemment. Tanya est blême.

AOk, c'est Timur qui l'a égorgée avec son couteau… Mais, c'est toi le commanditaire du crime… Alors, dis-moi tout ! Alors, dis-moi, dis-moi quelle est cette femme que tu as assassinée ! Dis-moi son nom !

Alexeï sert de plus en plus le col du vieux Kusma. Le vieux Kusma est rouge écarlate. Tanya a peur. Elle est tétanisée. Les secondes de la pendule s'affolent.

KJe ne peux pas le dire… Non, je ne peux pas…

Alexeï, d'un poing rageur, sert de plus en plus fort le cou du vieux Kusma. Il saisit le tisonnier.

A Tu veux que je te frictionne le dessous des pieds avec le tisonnier bien rouge ? Tu en as envie, vieille crapule ? Hein, tu en as envie ? Allez, crache le morceau, ça te fera du bien !

KC'est… C'est… C'est… C'est la Politkovskaïa.

Alexeï, fou de rage, fond en larmes. Tanya est livide.

A… Anna Politkovskaïa………

Alexeï fait péter la tête du vieux Kusma contre le coin du buffet.

AAnna… Anna… Anna… Tu as tué Anna… dit Alexeï en rengorgeant ses larmes… Alors, vieille ordure, tu vas me payer ça… mais avant… je vais te dire qui je suis… oui, je vais te dire qui je suis… pour que tu saches qui va t'enfoncer le poignard dans la gorge…

KNon!... Non!... Non !... Non, ne me tue pas ! Non, ne me tue pas !

Alexeï s'exprime en hoquetant, complètement ivre.

A… Je m'appelle Alexeï, Alexeïevitch Kravchenko. Je suis un ami d'Anna Politkovskaïa… Anna était une amie très proche… nous militions dans la même organisation de défense des Droits de l'Homme… c'était une femme exceptionnelle de droiture et de bonté… Tu l'as assassinée… Monstre que tu es… Alors, je ne te pardonnerai JAMAIS, moi, non, JAMAIS je ne te pardonnerai…

Alexeï fait à nouveau péter le crâne du vieux contre le coin du buffet.

KNon!... Non!... Non !... Non, ne me tue pas ! Non, ne me tue pas !

Tanya affolée :Non!... Non!... Non !... Non, ne le tue pas ! Non, ne le tue pas !...

Alexeï se saisit du poignard accroché au mur. Tremblant, imbibé d'alcool, il aiguise la lame du poignard sur le front du vieux Kusma. Tanya essaie de s'interposer. Le vieux Kusma hurle.

KNon!... Non!... Non !... Non, ne me tue pas ! Non, ne me tue pas !

Tanya tente d'arracher le poignard de la main d'Alexeï : Non!... Non!... Non!... Non, Alex !... Non, ne le tue pas !... Non, chéri !... Non !... Non, ne le tue pas !... Non, ne le tue pas !...

Alexeï enfonce le poignard dans la gorge du vieux Kusma. Il lui remue le poignard dans la gorge pour le finir. Kusma râle. Il agonise quelques instants. Il rend l'âme. Il est mort. Kusma est mort. Alexeï, complètement ivre, reste abattu, éteint, anéanti, sans voix.

Alexeï, plein de sang, hoquetant, de façon à peine audible, glisse à Tanya : Il fallait que je le fasse…

Tanya est blême, abattue, décomposée. D'une voix faible elle s'adresse à Alexeï :Non, Alexeï… malgré tout ce qu'il avait fait… tu ne devais pas le tuer… non, tu ne devais pas le tuer… maintenant, comme lui, tu es un assassin……

Tremblant, Alexeï sert Tanya dans ses bras. Il éclate en sanglots. Hoquetant, il lui susurre : « Tay…..... Tay……… Tay……… je t'aime………… Tay……………. Tay…………….. tu… es… mon… amour…...…………… Tay………………… tu es mon………………… Tay…………………… tu es……………………… Tay………………………tu……………………………………………… …» Alexeï s'écroule au sol. Tanya se jette sur lui. Elle le redresse. Il est inerte. Elle le prend dans ses bras. Elle le secoue. Elle le secoue. Elle le secoue. Elle crie : « Alex !... Alex !...Alex !... parle-moi… Alex !... dis-moi quelque chose !... Elle le secoue. Elle le secoue. Elle hurle : «Alex !... Alex !... Alex ...... mon amour…… Alex…… tu es mon amour……… » Elle prend la tête d'Alexeï dans ses mains. Elle l'embrasse. Elle tente de l'embrasser… Ses lèvres sont froides. Ses lèvres sont bleues. Ses lèvres sont glacées. Il ne respire plus. Il est mort. Alexeï est mort. Tanya fond en larmes. Elle est dévastée par la douleur. Le poêle s'est éteint. La pendule s'est arrêtée.

Tanya est perdue, hébétée, hagarde. Elle ouvre la porte. Elle part en courant sur le lac gelé. Le trou est béant.

Salon de la biographie de Nîmes, interview d'FR3 à...
Libertalia

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Commentaires 1

Sylvie Reymond Bagur le lundi 24 janvier 2022 19:20

Je vous invite à découvrir une nouvelle "noire" de Maurice, un huis clos qui se passe dans un lieu glacé et blanc.

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"Le romancier habite les seuils, sa tâche est de faire circuler librement le dedans et le dehors, l'éternité et l'instant, le désespoir et l'allégresse."  Yvon Rivard

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"Certains artistes sont les témoins de leur époque, d’autres en sont les symptômes."  Michel Castanier, Être

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